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Nucléaire : la CRE estime les coûts de production 2026-2028

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La Commission de Régulation de l’Énergie (CRE) a publié son analyse des coûts complets de production de l’électricité d’origine nucléaire pour la période 2026-2028. Ce rapport, rendu public à un moment clé marqué par la fin du dispositif d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, a pour objectif d’apporter un éclairage aux pouvoirs publics, aux fournisseurs et aux consommateurs sur la situation économique réelle du parc nucléaire français.

  • Une évaluation encadrée par un nouveau cadre législatif 

Depuis plusieurs années, la production d’électricité nucléaire d’EDF reposait sur le dispositif ARENH (Accès Régulé à l’Électricité Nucléaire Historique), qui offrait à certains fournisseurs la possibilité d’acheter une partie de l’électricité issue du parc nucléaire à un tarif fixé à l’avance. Ce mécanisme prendra fin le 31 décembre 2025. À compter du 1er janvier 2026, l’ensemble des fournisseurs devront désormais s’approvisionner sur les marchés de gros ou via leurs propres capacités de production.

La loi de finances pour 2025 instaure un nouveau cadre dans lequel la CRE sera tenue de publier, au minimum tous les trois ans, une évaluation des coûts complets du parc nucléaire historique d’EDF. Cette évaluation intègre l’ensemble des dépenses liées à l’exploitation et à la maintenance des centrales, ainsi que les amortissements correspondant aux investissements réalisés par le passé.

L’évaluation actuelle concerne 57 tranches nucléaires, incluant Flamanville 3, mais excluant les futurs réacteurs de type EPR2. Le cadre méthodologique, fixé par le décret du 5 septembre 2025, repose sur l’hypothèse selon laquelle EDF valorise l’intégralité de sa production sur les marchés de gros. La CRE y intègre également l’allongement de la durée de vie des centrales à 60 ans, en cohérence avec la stratégie énergétique nationale annoncée en 2022.

  • Un coût réévalué pour refléter les réalités du parc nucléaire

Pour la période 2026-2028, la CRE estime le coût complet moyen de production de l’électricité nucléaire à 60,3 euros par mégawattheure (MWh), exprimé en euros constants de 2026. Ce résultat découle d’une analyse approfondie des informations communiquées par EDF, intégrant à la fois des données techniques, financières et des hypothèses de production.

L’étude prend en considération la trajectoire de production anticipée du parc nucléaire, qui devrait atteindre en moyenne 362 térawattheures (TWh) sur la période, avec un taux de disponibilité d’environ 73 %. Les experts de la CRE ont également revu à la hausse la puissance prévue de l’EPR de Flamanville afin de l’aligner sur les dernières estimations publiques.

Les coûts complets se répartissent en deux grandes catégories. La première concerne les charges d’exploitation, englobant les dépenses liées au combustible, au personnel, à la maintenance et aux achats externes, qui représentent plus de la moitié du total. La seconde regroupe les charges de capital, comprenant les amortissements, la rémunération des actifs et le coût de portage du stock de combustible.

Deux composantes supplémentaires, non directement inscrites dans les bilans, ont également été prises en compte : la première concerne l’impact de la réforme des retraites, et la seconde porte sur les charges futures de post-exploitation, c’est-à-dire les coûts liés au démantèlement des centrales et à la gestion des déchets nucléaires, dans la mesure où EDF décide de les provisionner.

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  • Un outil clé pour le nouveau dispositif nucléaire à venir

Le rapport de la CRE va au-delà d’une simple analyse comptable : il constitue un outil clé pour la mise en place du nouveau mécanisme, le Versement Nucléaire Universel (VNU), qui prendra le relais du dispositif ARENH dès 2026.

Ce mécanisme a pour objectif de concilier deux enjeux : assurer à EDF les financements nécessaires pour la prolongation et la modernisation de son parc nucléaire, tout en préservant la compétitivité du prix de l’électricité pour les consommateurs.

Concrètement, le VNU fonctionnera selon un principe de taxation progressive sur les revenus issus de la vente d’électricité nucléaire dépassant certains seuils. Les recettes ainsi collectées seront ensuite redistribuées à l’ensemble des consommateurs d’électricité sur le territoire français.

Le calcul de ces seuils sera directement lié au coût complet déterminé par la CRE. Si la production nucléaire devient plus coûteuse, les seuils seront ajustés pour assurer la capacité d’investissement d’EDF. À l’inverse, une diminution des coûts pourrait augmenter la redistribution en faveur des consommateurs.

En publiant cette évaluation, la CRE offre une base transparente pour structurer le futur modèle économique du nucléaire français. Cette initiative cherche à concilier sécurité d’approvisionnement, viabilité économique du parc et équité pour les consommateurs, dans un contexte de transition énergétique en pleine évolution.